Le portage salarial fruit d’une histoire sociale et juridique mouvementée

La création du portage salarial en France remonte à la fin des années 80. En constatant la difficulté des cadres seniors au chômage à retrouver un emploi classique, des associations d’anciens cadres ont imaginé un système qui permettait à leurs adhérents de réaliser des missions de prestations de services sans avoir à s’immatriculer en tant qu’indépendants, tout en bénéficiant du statut de salariés. Explorons en ensemble, dans cet article l’histoire sociale et juridique du portage salarial.

Marginal dans un premier temps, le portage salarial, dans un contexte de chômage persistant (9,3% de chômage en moyenne ces 20 dernières années), s’est rapidement démocratisé et développé au point d’avoir conquis plus de 70 000 consultants en 2018.

Retour sur l’évolution sociale d’une nouvelle forme d’emploi qui a su s’adapter depuis vingt ans aux mutations du marché du travail.

2006 : Le portage salarial sort de l’ombre avec la création de l’OPPS

 

 

C’est en 2006, à l’initiative de 3 organisations syndicales (CFDT, CFE-CGC, CFTC) et de deux organisations patronales (le CICF et le SNEPS devenu PEPS), que l’Observatoire Paritaire du Portage Salarial (OPPS) a vu le jour.

Son principal objet était (et est toujours) de comprendre et d’étudier la nature des activités réalisées en portage salarial. Son rôle d’observatoire des pratiques et de leurs évolutions dans le secteur portage salarial lui a permis de largement contribuer à une définition sécurisante de cette nouvelle forme d’emploi.

C’est ainsi qu’en novembre 2007, les discussions des acteurs de cet observatoire conduisent à la négociation d’un accord encadrant la pratique du portage salarial. Cet accord ne sera pas étendu, mais envoie un premier signal fort aux pouvoirs publics et fait connaître le dispositif.

2008 : La reconnaissance légale d’un réel besoin social

 

 

C’est en 2008, au niveau national interprofessionnel, que les partenaires sociaux dessinent les premiers contours juridiques concrets du portage salarial. Ils décident alors de confier la négociation d’un accord collectif à la branche de l’intérim.

Le législateur, soucieux de respecter la volonté des partenaires sociaux de sécuriser un dispositif correspondant à un réel besoin social, insère dans le Code du travail (L. 1251-64 issu de la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail), la première définition du portage salarial.

Cette loi prévoit également, en cohérence avec l’ANI, le lancement de négociations visant à conclure un accord collectif encadrant le portage salarial.

2010 : Un accord collectif prometteur abrogé

 

 

C’est la branche de l’intérim qui a été chargée de cette négociation qui a abouti à un accord collectif, conclu le 24 juin 2010. Ce dernier, étendu le 24 mai 2013, précisait les conditions d’accès au portage salarial (être cadre) et le salaire minimum du salarié porté (2900 euros mensuels pour un équivalent temps plein). Cet accord pose également, pour la première fois, le principe de l’exclusivité de l’activité, réservée uniquement aux entreprises de portage salarial.

Cependant, le Conseil constitutionnel dans sa réponse à la Question Prioritaire de Constitutionnalité du 11 avril 2014, a malheureusement déclaré inconstitutionnelles les dispositions de la loi de juin 2008 qui prévoyaient la possibilité à la branche de l’intérim de négocier un tel accord.

Ce dernier est alors abrogé et un délai d’un an est laissé au gouvernement pour légiférer sur le portage salarial.

2015 : La consécration du secteur avec une ordonnance

 

 

La loi de simplification du 20 décembre 2014 a habilité le gouvernement à encadrer le portage salarial par voie d’ordonnance. C’est ainsi qu’à la suite d’une concertation avec les acteurs du secteur, l’ordonnance du 2 avril 2015 détermine les conditions essentielles de l’exercice du portage salarial et les principes applicables à la personne portée, à l’entreprise de portage et à l’entreprise cliente.

Cette ordonnance consacre et sécurise l’activité en posant les bases de la réglementation du portage salarial : rémunération minimum, cas de recours, obligations de l’entreprise de portage, contrats passés entre les protagonistes.

En déterminant le cadre légal de base du portage salarial, elle permet également de démarrer les négociations d’une convention collective de branche du secteur.

 

2017 : Un nouveau point de départ avec la convention collective de branche des salariés en portage salarial

 

 

Pour parfaire la sécurisation du secteur et s’assurer de la prise en compte des spécificités de ce statut, les partenaires sociaux ont choisi de conclure une convention collective de branche dédiée aux salariés en portage salarial, signée à l’unanimité, le 22 mars 2017.

C’est ainsi que dorénavant le portage est une branche active et innovante, qui a pu affiner et compléter le cadre légal de l’ordonnance sur un certain nombre de point : détermination des critères pour pouvoir exercer en portage salarial, rémunération minimum et réserve de 10%, des dispositions spécifiques relatives à la santé et la sécurité des salariés portés…

Cette convention collective n’est qu’un commencement…

D’une part parce que la branche s’est dotée d’un accord de méthode qui prévoit de perfectionner encore la sécurisation des parcours professionnels sur un grand nombre de sujets : complémentaire santé et prévoyance, question du lieu de travail et de la prise en compte des frais de déplacement, accident du travail pendant une période de prospection.

D’autre part, parce que l’essence même du portage salarial est d’évoluer et de s’adapter. Nul doute dès lors que les acteurs de la branche se retrouvent régulièrement pour parfaire la convention et ainsi répondre aux besoins des femmes et des hommes désireux de se lancer en portage salarial.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *